Ces poésies sont à lire. Tu devras ensuite en choisir une et la copier pour jeudi 15 juin. Apprends-là dès que possible et récite-là avant le 23 juin (n’attends pas la dernière minute! 😉
Le hareng saur
Il était un grand mur blanc – nu, nu, nu,
Contre le mur une echelle – haute, haute, haute,
Et, par terre, un hareng saur – sec, sec, sec.
Il vient, tenant dans ses mains – sales, sales, sales,
Un marteau lourd, un grand clou – pointu, pointu, pointu
Un peloton de ficelle – gros, gros, gros.
Alors il monte à l’échelle – haute, haute, haute,
Et plante le clou pointu – toc, toc, toc,
Tout en haut du grand mur blanc – nu, nu, nu.
Il laisse aller le marteau – qui tombe, qui tombe, qui tombe,
Attache au clou la ficelle – longue, longue, longue,
Et, au bout, le hareng saur – sec, sec, sec.
Il redescend de l’échelle – haute, haute, haute,
L’emporte avec le marteau – lourd, lourd, lourd,
Et puis, il s’en va ailleurs – loin, loin, loin.
Et, depuis, le hareng saur – sec, sec, sec,
Au bout de cette ficelle – longue, longue, longue,
Très lentement se balance – toujours, toujours, toujours.
J’ai compose cette histoire – simple, simple, simple,
Pour mettre en fureur les gens – graves, graves, graves,
Et amuser les enfants – petits, petits, petits.
Charles Cros
Le Renard et la Cigogne
Compère le Renard se mit un jour en frais,
Et retint à dîner commère la Cicogne.
Le régal fut petit et sans beaucoup d’apprêts:
Le galand, pour toute besogne,
Avait un brouet clair (il vivait chichement).
Ce brouet fut par lui servi sur une assiette:
La cigogne au long bec n’en put attraper miette,
Et le drôle eut lapé le tout en un moment.
Pour se venger de cette tromperie,
A quelque temps de là, la cigogne le prie.
«Volontiers, lui dit-il, car avec mes amis,
Je ne fais point cérémonie. »
A l’heure dite, il courut au logis
De la cigogne son hôtesse,
Loua très fort sa politesse,
Trouva le dîner cuit à point.
Bon appétit surtout, renards n’en manquent point.
Il se réjouissait à l’odeur de la viande
Mise en menus morceaux, et qu’il croyait friande.
On servit, pour l’embarrasser,
En un vase à long col et d’étroite embouchure .
Le bec de la cigogne y pouvait bien passer,
Mais le museau du sire était d’autre mesure.
Il lui fallut à jeun retourner au logis,
Honteux comme un renard qu’une poule aurait pris,
Serrant la queue, et portant bas l’oreille.
Trompeurs, c’est pour vous que j’écris :
Attendez-vous à la pareille
Jean de La Fontaine
Pour faire le portrait d’un oiseau
Peindre d’abord une cage
avec une porte ouverte
peindre ensuite
quelque chose de joli
quelque chose de simple
quelque chose de beau
quelque chose d’utile
pour l’oiseau
placer ensuite la toile contre un arbre
dans un jardin
dans un bois
ou dans une forêt
se cacher derrière l’arbre
sans rien dire
sans bouger…
Parfois l’oiseau arrive vite
mais il peut aussi mettre de longues années
avant de se décider
Ne pas se décourager
attendre
attendre s’il le faut pendant des années
la vitesse ou la lenteur de l’arrivée de l’oiseau
n’ayant aucun rapport
avec la réussite du tableau
Quand l’oiseau arrive
s’il arrive
observer le plus profond silence
attendre que l’oiseau entre dans la cage
et quand il est entré
fermer doucement la porte avec le pinceau
puis
effacer un à un tous les barreaux
en ayant soin de ne toucher aucune des plumes de l’oiseau
Faire ensuite le portrait de l’arbre
en choisissant la plus belle de ses branches
pour l’oiseau
peindre aussi le vert feuillage et la fraîcheur du vent
la poussière du soleil
et le bruit des bêtes de l’herbe dans la chaleur de l’été
et puis attendre que l’oiseau se décide à chanter
Si l’oiseau ne chante pas
C’est mauvais signe
signe que le tableau est mauvais
mais s’il chante c’est bon signe
signe que vous pouvez signer
Alors vous arrachez tout doucement
une des plumes de l’oiseau
et vous écrivez votre nom dans un coin du tableau
Jacques Prévert
Les papillons
De toutes les belles choses
Qui nous manquent en hiver,
Qu’aimez-vous mieux ? – Moi, les roses ;
– Moi, l’aspect d’un beau pré vert ;
– Moi, la moisson blondissante,
Chevelure des sillons ;
– Moi, le rossignol qui chante ;
– Et moi, les beaux papillons !
Le papillon, fleur sans tige,
Qui voltige,
Que l’on cueille en un réseau ;
Dans la nature infinie,
Harmonie
Entre la plante et l’oiseau !…
Quand revient l’été superbe,
Je m’en vais au bois tout seul :
Je m’étends dans la grande herbe,
Perdu dans ce vert linceul.
Sur ma tête renversée,
Là, chacun d’eux à son tour,
Passe comme une pensée
De poésie ou d’amour !
Gérard de Nerval.
C’est tout un art d’être un canard
C’est tout un art d’être un canard
Canard marchant canard nageant
Canards au vol vont dandinant
Canards sur l’eau vont naviguant
Etre canard c’est absorbant
Terre ou étang c’est différent
Canards au sol s’en vont en rang
Canards sur l’eau s’en vont ramant
Etre canard ça prend du temps
C’est tout un art, c’est amusant
Canards au sol cancanants
Canards sur l’eau sont étonnants
Il faut savoir marcher, nager
Courir, plonger dans l’abreuvoir.
Canards le jour sont claironnants
Canards le soir vont clopinant
Canards aux champs ou sur l’étang
C’est tout un art d’être canard.
Claude Roy
Une baleine à bicyclette
Une baleine à bicyclette
rencontre un yak dans un kayak
Elle fait sonner sa sonnette.
C’est pour que le yak la remarque.
Elle sonne faux ta sonnette,
dit le yak à l’accent canaque.
La baleine, la pauvre bête,
reçoit ces mots comme une claque.
Une baleine à bicyclette
qu’un yak accuse de faire des couacs !
Elle sonne juste ma sonnette,
dit la baleine du tac au tac
Car ma sonnette a le son net
d’une jolie cloche de Pâques.
Ne te fâche pas, baleinette
répond le yak qui a le trac.
(Une baleine à bicyclette
peut couler un yak en kayak).
J’aime beaucoup ta sonnette,
elle a un son net et intact.
Bien trop poli pour être honnête,
dit la baleine au yak sans tact.
Le yak en kayak s’en va sur le lac
et la baleine à bicyclette
s’en va pédalant vers Cognac
en faisant sonner sa sonnette.
Comme je n’ai plus de rimes en ac
je reste en carafe dans le lac
Comme une baleine un peu braque
qui n’a plus de tour dans son sac.
Claude Roy